Le Nouveau Parti Anticapitaliste et l'Université
 

(C'est Manue et moi-même qui avons rédigé ce texte pour la commission NPA Recherche, en réponse aux questions posées, lors de la campagne des élections européennes en juin 2009 par l'organisation Sauvons l'Université.)
 

Les militants du Nouveau Parti Anticapitaliste sont présents depuis 4 mois dans le mouvement qui anime les universités et la recherche. Nous pensons que c’est lors de mouvements de ce type que l’on peut réinventer l’université et peser sur son avenir.

Nous nous présentons aux élections européennes. Nous nous faisons peu d’illusions sur les possibilités que nous aurons de peser sur le parlement si nous y avons des élus. En effet, l’Europe reste dirigée avant tout par la commission et par le conseil des ministres. Par ailleurs, nous n’aurons certainement pas suffisamment d’élus pour avoir un réel poids.

Ceci-dit, nos élus auront à coeur de porter le message des luttes. Nous pensons que c’est en faisant toujours partie de ceux qui se battent que nous les soutenons le mieux et que nos élus sont les mieux à même de porter un message qui ne soit pas déconnecté nos véritables aspirations.

Pour défendre l’université il faut œuvrer à la convergence des luttes – à l’université, à l’hôpital au lycée, dans le secteur privé et dans le secteur public. Au NPA nous croyons que les luttes sociales et la construction d’un rapport de forces constituent le point clé pour sortir du tout profit.

1. La concurrence généralisée, meilleure que l’émulation académique ?

Que ce soit à l’hôpital, au lycée ou à l’université, la mise en concurrence ne sert ni les intérêts des salarié(e)s ni ceux des usagers ! Les salariés du service public, à l’université comme ailleurs, se démènent au quotidien pour l’intérêt des “usagers”. Le travail collectif est bien plus efficace que la concurrence accompagnée d’évaluations managériales et de recherche de capitaux privés. Au moment même où la crise montre les dérives dangereuses du “tout profit”, il est particulièrement scandaleux de continuer à vouloir imposer la marchandisation des services publics.

La proposition du gouvernement d’augmenter massivement les salaires des présidents d’université pour qu’ils gèrent une nouvelle couche de managers dans les facs et d’utiliser les primes et les décharges individuelles pour gérer le personnel est proprement scandaleuse.

2. La précarisation, un mode de gestion efficace de la recherche ?

La précarité de l’emploi est un véritable scandale à l’université, pour les jeunes chercheurs comme pour le personnel administratif et technique. Il s’agit, là aussi, d’un outil de management et de control des salariés. Nous défendons, avec bien d’autres, un programme d’envergure de résorption de la précarité. Cela concerne les emplois précaires gérés par l’université mais aussi les conditions de travail, souvent très mauvaises, des entreprises sous-traitantes, de nettoyage, de gardiennage etc. Il reste beaucoup de travail à faire dans ce domaine, pour construire une solidarité de l’ensemble des salariés qui travaillent à l’université.

3. Évaluer pour sanctionner ?

Après avoir fait de terribles dégâts dans le secteur privé depuis trente ans, les méthodes des “nouveaux managers” (en fait de très vieilles méthodes tombées en désuétude depuis 1945) s’étendent de plus en plus au sein de la fonction publique. Partout, ces méthodes servent de couverture aux objectifs inavoués – nous faire travailler davantage en nous payant moins.

Il est évident que l’évaluation managérielle n’a rien à voir avec l’évaluation scientifique de la recherche, élément indispensable à la vie de la recherche.

En effet, trois questions se posent en ce qui concerne l’évaluation : comment, par qui et dans quel but ? Le comment ne nous convient pas car l’évaluation proposée aujourd’hui est une évaluation quantitative qui empêche toute subtilité. Par qui pause d’autre problème puisque les instances sont de moins en moins élues. Et, enfin, la question cruciale du « dans quel but ? » reste sans réponse. De notre point de vue, le seul intérêt de l’évaluation est de progresser collectivement mais pas de sanctionner des individus ni de les mettre en concurrence.

4. Employabilité ou formation ?

Le gouvernement voudrait utiliser la peur du chômage très répandue (à juste titre) parmi les jeunes pour que les études universitaires soient de plus en plus subordonnées aux valeurs de l’entreprise. A titre d’exemple, la généralisation d’UE “projet professionnel” et “découverte du monde professionnel” dans les maquettes de Licence. Les étudiants ont besoin de découvrir le monde du travail, mais il ne faut pas que ces matières soient une excuse pour une propagande manageriale !

Et il ne faut surtout pas se tromper d’ennemi. La cause du chômage n’est pas des études universitaires “mal adaptées” ! Les dizaines de milliers de licenciements ces dernières semaines n’étaient pas le résultat de mauvais programmes à la fac !

Cette obsession de “l’employabilité” est une façon de suggérer que le chômage c’est la faute des chômeurs qui ne sont pas assez adaptés. Nous croyons plutôt que c’est la faute de la dictature du profit.

Il faut défendre, à l’université et ailleurs, une conception des études qui laisse une grand part à l’épanouissement personnel et la découverte de la culture, face à un gouvernement qui voudrait bien supprimer l’essentiel des facultés de Lettres et de Sciences Humaines.

5. Le Classement de Shanghai, veau d’or de l’Europe de la connaissance ?

Nous nous opposons aux classements quantitatifs de la recherche. Ils dénaturent la recherche, poussant les chercheurs à publier des travaux non-achevés, à démultiplier le nombre d’articles publiés sur le même travail de recherche, et à éviter des sujets originaux (de peur de ne pas se voir citer suffisamment pour plaire aux bailleurs de fond).

6. L’autonomie, nouveau paradis académique ?

« L’autonomie » cache une idée de gestion locale et managérielle, menée sous des contraintes budgétaires dont les décisions sont prises par le ministre. De plus, l’autonomie des universités aide l’employeur à diviser pour mieux régner. Ils espèrent pouvoir attaquer plus fort dans les universités où il y a moins de résistance. En parallèle de la mise en concurrence des individus, il s’agit ici de mettre en concurrence les instituts et les équipes de recherche.

Par ailleurs, l’autonomie des universités c’est aussi la mise en place d’un enseignement à deux vitesses s’appuyant sur des facs d’élite et des facs poubelles.

7. La « gouvernance » et le « pilotage », nouveaux arts de gouverner ?

Nous défendons un fonctionnement collégial, qui, loin d’être parfai, tcomme chacun le sait, est largement préférable à une gestion « comme dans une entreprise » et permet de respecter les valeurs du service public.

8. Le financement sur projet, pierre philosophale de la recherche moderne ?

La conception de la recherche de Sarkozy est depuis longtemps « ça fait combien de brévets tout cela ». Il préfère largement donner des crédits de recherche aux entreprises, plutôt qu’aux universités. La recherche dans les entreprises n’est pas contrôlée par la communauté scientifique – elle peut être utile pour l’humanité, ou un gaspillage de ressources simplement la recherche d’un packaging qui vendrait mieux que le produit concurrent.

Si la logique Sarkozy était suivie jusqu’au bout, il n’y aurait plus de livres écrits en histoire, mathématiques, astronomie, sociologie et bien d’autres disciplines !

La recherche se fait sur projet et c’est bien normal. C’est en discutant collectivement de la direction de nos recherches que l’on avance. Le problème n’est donc pas le travail sur projet mais bien le financement sur projet. En effet, là encore nous revenons sur la question de l’évaluation de ces projets (par qui, comment, dans quel but). La prise de risque et la liberté scientifique nécessite de pouvoir choisir une direction sur d’autres critères.

Par ailleurs, le financement de la recherche sur projet est complètement inefficace. Le nombre de postes permanents de recherche qui pourraient être financé par le temps passé à faire des demandes d’argent se chiffre à plusieurs centaines.

Pourtant, nous entendons les collègues qui ont trouvé dans l’ANR pour financer leurs recherches pas toujours soutenues par leur laboratoire. Nous en déduisons que le CNRS doit être réformé mais, en aucun cas comme ça l’est fait par le gouvernement actuel.

10. L’endettement à vie, un avenir radieux pour les étudiants ?

Dans les pays qui ont déjà subi la libéralisation à la Sarkozy, les étudiants doivent payer très cher leurs études. En Angleterre, actuellement, on débat sur l’augmentation des frais d’inscription annuels de 3 000 euros à 6 000 euros ! Le pourcentage d’enfants d’ouvriers et d’employés qui font des études supérieurs en Angleterre est en chute libre !

Des jeunes salariés endettés, ce sont des salariés plus difficiles à mobiliser pour défendre leurs conditions de vie, le gouvernement en est bien conscient. C’est aussi du pain bénit pour les banques qui survivent grâce à l’endettement des individus.

Au NPA nous croyons que les luttes sociales et la construction d’un rapport de forces constituent le point clé pour sortir du tout profit. Nous voulons aussi agir et débattre pour amener la fin du capitalisme qui a failli.
 

Home       Accueil