Contre l’identité nationale, pour la conscience de classe !

La campagne de propagande gouvernementale sur l’identité nationale aura servi avant tout à libérer la parole raciste et islamophobe. Lancée en période de crise sociale, où les licenciements pleuvent et les directions syndicales refusent de cristalliser le mécontentement et la colère généralisés, la campagne cherche à s’assurer que la population rejette ceux qui sont désignés comme des boucs émissaires  plutôt que se battre contre leurs ennemis de classe pour la justice sociale.

Dans une telle période,  beaucoup de travailleurs peuvent croire qu’une cohésion nationale renforcée aurait quelque chose de positif. Il faut que les anticapitalistes proposent une alternative à l’identité nationale. Cette alternative est la conscience de classe.

Peu de gens parlent de la conscience de classe aujourd’hui. Il est courant de prétendre que les classes sociales n’existent plus ou en tout cas ne peuvent plus agir ensemble pour transformer le monde. La société serait composée d’individus avec des qualités et des défauts. Dans la vision nationaliste des choses, seule l’identification avec la Nation les unit, et tout ce qui divise la Nation est forcément mauvais.  C’est une vision qui arrange bien les puissants de ce monde.

Le terrible mensonge qui présentait les systèmes capitalistes d’Etat russe, chinois, cubain et autre comme ayant quelque chose à voir avec le pouvoir des travailleurs a contribué à discréditer l’ensemble des concepts marxistes. L’idée d’un parti qui voulait élever la conscience de classe des salariés a été assimilée à celle d’un parti de bureaucrates autoritaires bien assis, confondant allègrement leurs propres intérêts et ceux de la classe.
Il faut retrouver la tradition marxiste de la conscience de classe.

Marx parle de la différence entre la classe « en soi » et la classe « pour soi ». C’est une idée simple mais cruciale. Une classe exploitée en soi est simplement une masse d’êtres humains occupant la même position dans l’économie et produisant l’essentiel des richesses. Les esclaves de la Rome antique et les salariés de la France d’aujourd’hui constituent des classes en soi.

Une classe en soi ne devient pas automatiquement une classe pour soi. Une classe pour soi est une classe qui se rend compte de son pouvoir collectif. Les esclaves romains avaient la possibilité de se révolter et de paralyser la dictature. Mais leurs conditions de vie et d’éducation firent en sorte que la conscience de class n’apparut qu’épisodiquement, comme lors de la grande révolte dirigée en 73 av J.C. par Spartacus.

Du fait du développement de l’éducation et des moyens de communication, la classe ouvrière en France, qui comprend l’ensemble des salariés qui n’ont que leur travail pour vivre et qui sont dominés sur le lieu de travail, a beaucoup plus d’armes que les esclaves romains pout forger une conscience de classe.  Mais la classe dirigeante dispose d’appareils médiatiques, scolaires, juridiques  et autres très puissants pour nous empêcher de comprendre et de défendre nos intérêts de classe.

Il y a différents niveaux de conscience de classe. La première étape est quand un salarié se rend compte qu’il a les mêmes intérêts que ses collègues de travail, face à son employeur (que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public) et que l’action collective est meilleure que l’action individuelle. (J’écris « il » mais la classe ouvrière en France est composée en majorité de femmes). Ce travailleur se méfie des primes, de l’individualisation des salaires et de toutes les techniques de division utilisées par les patrons, et essaie d’organiser une riposte collective, aussi modeste qu’elle soit. Il se syndique ; il évite d’obtenir une promotion où il pourrait devenir petit chef … ce niveau de conscience est la conscience syndicale, base indispensable pour l’action collective de masse.

Une conscience de classe syndicale permet dans les meilleurs cas aux travailleurs dans un secteur de soutenir quand ils le peuvent les grévistes dans d’autres secteurs. Et cela malgré la vision déformée de toutes les grèves colportée par les médias. On sait qu’en France 62% des employés et des ouvriers font confiance aux syndicats , et c’est souvent sur la base de leur expérience personnelle.

Une conscience de classe politique est plus complète. A ce niveau de conscience, un travailleur comprend les tactiques de division menées contre l’ensemble des travailleurs. Il soutient les sans-papiers non pas par simple humanitarisme mais parce qu’il sait que pointer du doigt les immigrés est une tactique pour s’attaquer à tous les travailleurs. Il s’oppose à l’autonomisation des universités parce qu’il se doute que c’est encore plus dans l’intérêt du capital que vont être gérées les nouvelles institutions. Il se bat contre la privatisation de La Poste parce qu’il comprend que le service public sert avant tout les travailleurs ordinaires.

La conscience politique est elle-même diversifiée. Les plus conscients des salariés ont compris les armes les plus sophistiquées du capitalisme et de l’impérialisme d’aujourd’hui comme l’homophobie, tellement nécessaire à la glorification de la famille traditionnelle,  l’islamophobie, nouvelle version de la « menace intérieure », ou la « guerre humanitaire », outil hypocrite de la domination des pays riches. D’autres travailleurs sont encore sous l’influence de certaines idées réactionnaires et peuvent rejeter les homosexuels ou les musulmans, tout en haïssant les patrons.
Lénine écrivait qu’on ne pouvait pas dire que les travailleurs avaient une réelle conscience politique à moins qu’ils aient appris « à riposter à toutes les instances de tyrannie, d’oppression, de violence et de mauvais traitement, quelle que soit la classe sociale qui est affectée ».

Une telle conscience politique donne lieu à des campagnes, des mouvements et des organisations politiques pour organiser la lutte.

Enfin, il y a la conscience révolutionnaire, qui nous amène à comprendre que le capitalisme peut être renversé et remplacé, non pas par un retour à une utopie de « vivre différemment », mais pour mettre en place une économie organisée selon les besoins de la population, où le mot « profit » aurait autant de signification pour les nouvelles générations que les mot « sorcellerie » ou « hérésie » en ont aujourd’hui. Le travailleur qui a une conscience révolutionnaire cherche à construire les organisations qui peuvent préparer, et à terme diriger le renversement de l’Etat capitaliste.

Le travail des anticapitalistes est d’élever le niveau de la conscience de classe d’un maximum de travailleurs. Cela ne se fait pas seulement à travers des articles, des tracts et des journaux, mais avant tout en cherchant à impliquer les travailleurs dans des luttes contre l’exploitation et l’oppression, parce que c’est quand nous sommes en lutte que nous mettons en cause le plus facilement les idées dominantes.

John Mullen, NPA 47
 

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